Les anémies hémolytiques congénitales regroupent des entités très variées qui ont en commun une hyper-hémolyse due à une anomalie du globule rouge [GR], anomalie dite corpusculaire, d'origine génétique.
Les anomalies du globule rouge peuvent intéresser les différents composants de celui-ci, membrane, enzymes, ou hémoglobine. Elles peuvent être quantitatives ou qualitatives. Face à la diversité des lésions globulaires et des manifestations cliniques de ces affections, il convient de se baser sur l'analyse des données cliniques et quelques examens de laboratoire permettant de confirmer l'hyperhémolyse et affirmer sa nature congénitale. La plupart de ces affections nécessite une prise en charge dans un milieu spécialisé.
I/ Hémolyse et hyperhémolyse
L’hémolyse est l’ensemble des phénomènes physiologiques qui conduit à la destruction du globule rouge et à la dégradation de ses composés. La perte en hématies résultante est compensée par une production équivalente au niveau de la moelle osseuse ou érythropoïèse, permettant de maintenir un taux stable l’hémoglobine circulante.
Un excès d’hémolyse ou hyperhémolyse, dépassant les possibilités compensatrices de l’érythropoïèse conduit à une anémie dite hémolytique.
L’hémolyse physiologique est extra-vasculaire, les globules rouges sénescents sont repérés et détruits par le système monocytaire-macrophagique. Bien que physiologiquement cette destruction des hématies a lieu au niveau de la rate, d’autres organes en particulier le foie et la moelle osseuse riches en macrophages participent à l’hémolyse dans les situations pathologiques.
L’hémolyse peut avoir lieu à l’intérieur du vaisseau (hémolyse intra-vasculaire). Dans ce cas l’hémoglobine est soit oxydée en méthémoglobine qui va être captée par le système macrophagique et subir une dégradation enzymatique soit couplée ä une alpha2glycoproteine plasmatique, l’haptoglobine. Le couple hémoglobine-haptoglobine est capté et dégradé par le système monocytaire-macrophagique.
La dégradation de l’hémoglobine comporte plusieurs étapes :
* La globine est dégradée par hydrolyse en acides aminés qui vont rejoindre le pool métabolique général et participer à la synthèse de nouvelles protéines.
* Le fer libéré sera en grande partie stocké au niveau de la ferritine et sera réutilisé dans la synthèse de nouvelles molécules d’hémoglobine en cas de besoin. Dans les situations d’hyperhémolyse, un excès de fer sera stocké au niveau de différents organes et pourra être à l’origine d’hémochromatose.
* Le noyau porphyrique de l’hème subit une ouverture donnant lieu à un tetrapyrrole appelé biliverdine qui va être libérée dans le torrent circulatoire. La biliverdine sera oxydée en bilirubine et fixé à l’albumine. En cas d’hyperhémolyse, une hyperbilirubinémie à bilirubine non conjuguée sera observée. La capacité de transport de la bilirubine par l’albumine peut être dépassée. La bilirubine, liposoluble, pourra se fixer alors au niveau des noyaux gris centraux chez le nouveau-né, réalisant un ictère nucléaire de très mauvais pronostic.D’autres parts, le foie participe à l’élimination de la bilirubine par glycurono-conjugaison. Une lithiase biliaire dite pigmentaire peut compliquer l’évolution des anémies hémolytiques chroniques.
II / Reconnaître l’hyperhémolyse
Une anémie hémolytique est évoquée dès l’étape clinique chez un patient présentant la triade
pâleur cutanéo-muqueuse liée à la destruction non compensée des globules rouges,
ictère lié à l’hyperbiliribuniémie,
et splénomégalie lieu de destruction des hématies.
L’hémogramme montrera une anémie normochrome normocytaire régénérative. Des anomalies morphologiques des hématies au frottis pourront déjà être notées et orienter vers une étiologie. On notera une hyperbilirubinémie à bilirubine non conjuguée et une augmentation du taux de LDH qui traduit la lyse cellulaire. Le dosage de l’haptoglobine montrera également un taux bas. Enfin, l’étude de la demi-vie des hématies marquées au
Cr51 montrera une demi-vie diminuée et renseignera également sur le siège de l’hyperhémolyse. Cette étude, non disponible d’ailleurs au Maroc actuellement, n’est pas nécessaire pour confirmer un état hémolytique.
III/ Evoquer sa nature congénitale
Le caractère congénital d’une anémie hémolytique est fortement évoqué devant :
Les antécédents familiaux d’anémies hémolytiques diagnostiquées, d’ictères, de lithiases vésiculaires chez des sujets de moins de 40 ans, de splénectomies, de transfusions répétées...
L’âge précoce de début des symptômes.
La présence d’une dysmorphie faciale, de retard de croissance ou pubertaire.
IV/Préciser son étiologie
C’est l’étape essentielle. Les étiologies sont très variées, certaines sont rares et ne seront pas évoquées. Les étiologies abordées sont choisies du fait de leur fréquence. Le médecin généraliste pourra dans la plupart des cas faire ce diagnostic. La prise en charge thérapeutique relève cependant dans la plupart des cas du spécialiste.
A/ La sphérocytose héréditaire
Affection autosomique dominante, la sphérocytose héréditaire (SH) ou maladie de Minkowski-Chauffard est la plus fréquente anémie hémolytique dans la population nord-européénne. La grande variabilité de son expression clinique explique les différences observées de son incidence dans les différentes populations.
L’anomalie
Dans la SH, l’anomalie intéresse les protéines du cytosquelette du globule rouge. Les premières anomalies décrites intéressent la spectrine. Ces anomalies peuvent également intéresser l’ankyrine; la protéine 4.2 ou la bande 3.
Quelque soit l’anomalie initiale, la conséquence est une instabilité du cytosquelette conduisant à une perte de la surface membranaire. Cette perte de membrane entraînera une transformation de la forme du globule rouge qui devient sphérique au lieu d’un disque biconcave. La déformabilité du globule rouge s’en trouve grandement diminuée limitant ainsi le passage en particulier au niveau des sinus veineux spléniques.
Rôle de la rate : La ½ vie des GR de SH est diminué lorsqu’ils sont transfusés à un sujet normal alors que les GR normaux ont une durée de vie normale chez les sujet porteur de SH.
D’autres part les spherocytes marqués au Cr51 sont sélectivement détruits au niveau de la rate. Ce trappage splénique est du d’une part à la diminution de la déformabilité globulaire mais également au stress métabolique auquel sont soumis ces GR lors de leur passage dans les sinus spléniques. Les GR survivant à leur passage à travers le filtre splénique sont fragilisés et présentent des troubles aussi bien métaboliques que des pertes membranaires encore accentuées.
Tableau clinique
La sévérité de la maladie est variable. Les formes modérées sont les plus fréquentes (60 à 75%). Dans ces cas le tableau clinique comporte la triade classique, anémie, ictère et splénomégalie. Dans les formes frustes l’hémolyse étant modérée , l’anémie est compensée par la régénération médullaire. La rate est modérément augmentée ou non augmentée de volume. Dans ces cas, la découverte de la maladie se fait soit lors d’un bilan systématique ou d’une enquête familiale. Les formes sévères sont rares (5%) et se révèlent tôt dans la vie. La
maladie peut être révélée dès la période néonatale par une anémie et un ictère et une hyperbilirubinémie majeure nécessitant une exsanguino-transfusion.
Deux principales complications peuvent inaugurer ou émailler l’évolution de la SH, l’exacerbation de l’anémie ou la lithiase biliaire. Une anémie profonde peut compliquer l’évolution de la SH par érythroblastopénie secondaire à une infection à parvovirus. Une carence en acide folique secondaire à une augmentation des besoins peut contribuer également à l’anémie. La lithiase pigmentaire est fréquente dans la SH et survient à un âge précoce. La maladie peut également se compliquer d’un ulcère de jambe chronique.
Biologie
L ’hémogramme montre le plus souvent une anémie modérée normochrome normocytaire et une hyperéticulocytose. L’étude du frottis met en évidence des spherocytes à un taux variable selon la sévérité de la maladie.
L’étude de la résistance globulaire aux solutions hypotoniques met en évidence une
résistance diminuée. Ce test est plus sensible lorsqu’il est réalisé après incubation des globules rouges pendant 24h.
La caractérisation des anomalies membranaires à l’origine de la maladie est réservée aux laboratoires spécialisés.
Finalement le diagnostic de SH est fait sur un ensemble d’arguments. La notion d’anémie et/ou ictère dans la famille ou encore la notion de splénectomie ou de lithiase vésiculaire survenant avant l’âge de 40 ans oriente fortement vers ce diagnostic lorsque des signes d’hémolyse chroniques sont présents. Le diagnostic est fait sur l ’étude de l ’hémogramme qui montre une anémie régénérative avec présence de spherocytes aux frottis. La mise en évidence d’une fragilité osmotique par les test de résistance globulaire permet de faire le diagnostic. D’autre part, une anémie hémolytique auto-immune qui pourrait être discutée dans ce contexte est éliminée par la négativité du test de Coombs direct.
Traitement
La SH est une maladie curable par la splénectomie. Celle-ci permet d’éliminer le siège de destruction des globules rouge. Ce geste comporte cependant des risques infectieux majeurs notamment chez le petit enfant de moins de 5 ans. Le risque de mortalité par infection est multiplié par 200 chez les patients splénectomisés par rapport à la population générale. La règle est d’éviter la splénectomie avant l’âge de 5 ans. Les patients doivent être vaccinés contre le Pneumocoque et prendre une antibioprophylaxie à la pénicilline pour une durée de 5 ans après la splénectomie. Les patients ou leurs parents doivent être avertis de ces risques et signaler la splénectomie aux médecins qu’ils auront à consulter. En cas de fièvre un traitement énergique doit rapidement être entrepris.
En cas de lithiase associée; la cure de la lithiase est faite lors du même geste de splénectomie.La transfusion est préconisée chez les patients présentant un épisode d’anémie sévère. On recommande également; chez les patients non splénectomisés un apport d’acide folique quotidien (1mg/j)
B/ Les thalassémies
Ces affections se caractérisent par un défaut de production de l'hémoglobine du à une altération génétique. Elles sont désignées par la chaîne de globine déficiente : bêta-thalassémie, la plus fréquente, ou alpha-thalassémie. Elles regroupent un ensemble d'affections très hétérogènes, allant de la mort foetale in utero (hydrops foetalis), à la forme dépendante de la transfusion (dites majeures) et aux formes asymptomatiques (dites mineures). Ce sont des affections que l’on retrouve avec une plus grande fréquence au pourtour méditerranéen, en extrême orient et en Asie du sud-est.
Physiopathologie
Les gênes de l'hémoglobine sont portés par les chromosomes 11 (chaînes de type b ,g et d) et 16 (chaînes de type a). Dans l'érythroblaste normal, il y a un équilibre parfait de synthèse des chaînes de globine entre ces 2 chromosomes. Chez le foetus, l'hémoglobine foetale (Hb F) composée de 2 chaînes alpha et 2 chaînes gamma (2a2g) est majoritaire. A la naissance, son taux est de 85%. Ce taux diminue progressivement pour atteindre moins de 1% à l'âge de 6 à 12 mois. La formule moléculaire chez l'adulte comporte 97 à 98% d'hémoglobine A (a2b2) et 2 à 3% d'hémoglobine A2 (a2d2).
La thalassémie est la conséquence de mutations des gênes conduisant à un arrêt (a0 ou b0-
thalassémie) ou une réduction de synthèse (a+ ou b+- thalassémie) d'une chaîne de globine. Dans la bthalassémie hétérozygote, il y a une diminution de synthèse de l'hémoglobine à l'origine de la microcytose et l'hypochromie. La petite taille des hématies est compensée par leur nombre d'où une pseudo-polyglobulie (6 à 7 millions d'hématies/mm3). Par ailleurs, l'augmentation relative de synthèse des chaînes d conduit à l'élévation du taux d'hémoglobine
A2 (> 3.5%).
Dans la bthalassémie homozygote, l'excès relatif des chaînes a précipite dans l'érythroblaste et entraîne sa lyse par toxicité membranaire ce qui est à l'origine d'une érythropoïèse inefficace. Les érythroblastes capables de synthétiser l'hémoglobine F parviennent à produire des réticulocytes et des GR matures. Les GR circulants sont hypochromes de petite taille, déformés (poïkilocytose) et ont une durée de vie raccourcie L'anémie dans la thalassémie majeure est donc due à 2 mécanismes : l'érythropoïèse inefficace et hyperhémolyse.L'anémie profonde induit une hypersécrétion d'érythropoïètine induisant une stimulation de l'érythropoïèse. L'expansion de ce secteur peut atteindre 30 fois la normale. Ceci a pour conséquence des déformations osseuses intéressant les os du crâne, la région malaire, les maxillaires et les extrémités des os long principalement. Par ailleurs, l'hyperhémolyse et la métaplasie myéloïde sont à l'origine de la splénomégalie et de l'hépatomégalie.
Enfin ces patients présentent souvent une surcharge martiale en rapport avec l'hyperabsorption digestive de fer et surtout les transfusions itératives ; surcharge martiale qui peut conduire à une hémochromatose avec ses complications endocrinienne, cardiaque et hépatique.
Diagnostic
1. La b-thalassémie majeure est une forme dépendante le plus souvent de la transfusion. Elle définit l'anémie de Cooley.
Sur le plan clinique, l'anémie apparaît chez le nourrisson dès les premiers mois associée souvent à un ictère. Apparaissent par la suite la splénomégalie et l'hépatomégalie. Les enfants non ou mal pris en charge développeront par la suite le tableau historique de la thalassémie majeure associant une anémie profonde, un ictère, un retard staturo-pondéral, une volumineuse splénomégalie pouvant occuper tout l'abdomen et une hépatomégalie.
L'hyperplasie de la moelle osseuse entraîne des déformations osseuses apparentes surtout au niveau de la face donnant l'aspect de faciès mongoloïde : hypertélorisme, élargissement de la région malaire, aplatissement de la base du nez, protrusion des maxillaires supérieurs.
L'hémogramme montre une anémie souvent profonde (<7g/100ml), hypochrome, microcytaire avec souvent des anomalies des GR notés au frottis (hématies en cible, anisocytose, poïkilocytose..). On retrouve parfois des érythroblastes circulants.
L'éléctrophorèse de l'hémoglobine permet de confirmer le diagnostic par la mise en évidence un taux d'hémoglobine F dépassant 50%. Le taux d'hémoglobine A2 peut également être augmenté. Le bilan montrera également une hyperbilirubinémie libre, une hypersidérémie, une hyperferritinémie. La biologie moléculaire met en évidence les lésions chromosomiques qui permettront le diagnostic prénatal.
2/ Dans sa forme hétérozygote le diagnostic de b thalassémie est souvent une découverte biologique ou dans le cadre d'une enquête familiale. L'anémie est absente ou modérée (10 à 12gr/100ml), hypochrome microcytaire avec une nette augmentation du nombre de globules rouges (5 à 7 millions/mm3). Le diagnostic est confirmée par la mise en évidence d'une augmentation du taux de l'hémoglobine A2 (> 3.5%).
Prise en charge
Le traitement de la thalassémie majeure est basée sur des transfusions régulières de culots globulaires dans l’objectif de prévenir le retard staturo-pondéral et pubertaire et prévenir la dysmorphie due à l’hyperplasie médullaire. Afin d’achever ces résultats, la transfusion est faite de façon à maintenir le taux d’hémoglobine à 12g/100ml. Les transfusions sont habituellement faites toutes les 3 à 4 semaines.
La transfusion régulière de culots globulaire est source de complications dont la plupart peuvent actuellement être évitées. La transmission d’agent infectieux est actuellement très réduite grâce au dépistage systématique de l’hépatites B et C et de l’infection à HIV. Une vaccination contre le virus de l’hépatite B doit être systématiquement préconisée. Il existe également un risque d’immunisation contre dès antigènes de groupe sanguin nécessitant un phénotypage des antigènes de groupes sanguins avant la première transfusion et la recherche systématique d’anticorps irréguliers. Les transfusions sont faites tenant compte du phénotype des groupes sanguins du patient et de l’immunisation éventuelle.
Un problème majeur auquel ces patients sont confrontés est la surcharge martiale. Chaque millilitre de culots globulaires apporte 1 mg de fer. L’organisme élimine mal le fer, ce qui entraînera une surcharge ferrique et à terme l’hémochromatose. Celle-ci est actuellement efficacement prévenue par l’administration continue de la desferroxamine par voie sous-cutanée. Cette molécule a la propriété de réaliser une chélation du fer et son élimination urinaire. Son administration est cependant astreignante puisque ces patients, bien souvent des enfants sont tenu de pratiquer des perfusions sous-cutanées 5 jours par semaine et pratiquement à vie. Ceci ne va pas bien entendu sans poser des problèmes de compliance mais aussi de coût du traitement puisque ladesferroxamine est d’un prix onéreux.
On préconise également chez la plupart des patients, au delà de l’âge de 5 ans une splénectomie lorsque les besoins transfusionnels sont élevés. Celle-ci est précédé d’une vaccination contre le pneumocoque et suivie jusqu'à l’âge de 10 ans de pénicillinothérapie prophylactique.
La prise en charge de ces patients ne se conçoit que par une équipe spécialisée.Les difficultés thérapeutiques ont amené vers la recherche d’alternatives thérapeutiques. Ces recherches ont sont actuellement orientées vers la mise au point d’un traitement chélateur par voie orale. D’autres part, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques constitue une alternative thérapeutique séduisante, puisqu’en fait curatrice. Sa morbidité et mortalité pose le problème de sa pertinence puisqu’on dispose actuellement de traitement moins toxique bien que plus astreignants. Elle constitue cependant un bon choix thérapeutique pour les pays en voie de développement où les conditions de transfusion et de chélation ne répondent pas ou peu aux normes exigées.
C/ La drépanocytose
Affection caractérisée par une production d’une hémoglobine qui diffère de l’hémoglobine normale par la substitution d’une glutamine par une valine en position 6 de la chaîne b. Cette modification somme toute mineure a des conséquences majeures dans la stabilité et la solubilité de la molécule. L’hémoglobine désormais appelée S, à tendance à se polymériser dans sa forme désoxygénée ce qui à l’origine des multiples manifestations des syndromes drépanocytaires. L’anomalie génétique sous jacente est autosomique codominante.
Epidémiologie
La prévalence de la maladie est la plus élevée en Afrique noire où elle atteint un taux de 45% dans certaines régions. Dans la population noire américaine, le trait drépanocytaire atteint 8%. La maladie est également fréquente en Arabie Saoudite et en Inde. Elle est également observée mais avec une moindre proportion autour du bassin méditerranéen.
Physiopathologie
Dans les conditions d’hypoxie, l’hémoglobine S subit une polymérisation rendant le GR rigide, en forme de faucille (falciformation) ce qui réduit ou arrête le flux sanguin capillaire.
L’hypoxie tissulaire conséquence de cette diminution du flux sanguin entraîne une aggravation de la falciformation. Ce cercle vicieux finit par être à l ’origine d’infarctus plus ou moins étendus. Ces infarctus sont à l’origine de la symptomatologie douloureuse souvent au premier plan dans cette maladie. La polymérisation de l’hémoglobine S est d’autant plus importante que le taux d’hémoglobine S est important, que l ’hypoxie est marquée et que le pH est acide. Inversement, la présence d’hémoglobine F réduit notablement le phénomène de polymérisation.
Par ailleurs, les hématies falciformes sont captées au niveau de la pulpe rouge splénique et phagocytés ce qui est à l’origine d’une hémolyse plus ou moins importante.
Aspects cliniques
Les manifestations cliniques de la drépanocytose sont principalement en rapport avec les vaso-occlusions et de façon moins importante à l’anémie. Les manifestations sont habituellement observées après les 6 premiers mois de vie; la présence d’hémoglobine F a un effet protecteur durant les premiers mois de vie.
Les signes d’hémolyse chronique
L’anémie est souvent modérée (7 à 8gr/100ml) pouvant être associée à des signes cardio-respiratoire. L’ictère est habituellement peu intense. La splénomégalie est observée surtout chez le nourrisson et le petit enfant et tend à disparaître après l’âge de 10 ans. Elle de taille modérée et de consistance souvent dure car siège de micro-infarctus. Une hépatomégalie est parfois également observée.
Les douleurs osseuses.
Syndrome main-pied du nourrisson : Ce syndrome se caractérise par des douleurs et des tuméfactions intéressant les dos des mains et des pieds. Elles s’observent habituellement chez le nourrisson de 6 à 18 mois. Elles s’accompagnent souvent de fièvre et d’hyperleucocytose alors que les radiographies son normales.
Chez le patient plus âgé, les manifestations douloureuses intéressent les autres os; membres; vertèbres, côtes...Elles peuvent poser un problème de diagnostic différentiel avec une ostéomyélite ou un rhumatisme articulaire aiguë
Les crises douloureuses abdominales
Ces douleurs peuvent simuler de véritables urgences chirurgicales. Elles sont rapportées à des microthromboses mésentériques, spléniques ou hépatiques. Elles s’accompagnent parfois de vomissement et d’arrêt des matières et des gaz. Cette symptomatologie régresse habituellement après quelques jours.
Les complications
Les micro-infarctus répétés sont à l’origine de complications variées selon leur localisation et selon la gravité de la maladie. La précocité et la qualité de la prise en charge peuvent réduire notablement ces complications.
Les thromboses peuvent évoluer vers l’infarctus splénique ou mésentérique pouvant engager le pronostic vital. Les infarctus osseux, bien plus fréquents chez l’adolescent et l’adulte jeune pouvent donner lieu à des ostéonécroses aseptiques souvent bilatérales et symétriques et intéressant électivement les têtes fémorales et humérales.
Les accidents vasculaires cérébraux sont de grande gravité et sont principalement thrombotiques. D’autres accidents de gravité variable peuvent intéresser virtuellement tous les organes : rétine, poumon, reins, cœur, corps caverneux...
A ces complications thrombotiques, les drépanocytaires sont exposé à des complications
infectieuses redoutables liées principalement à l’asplénie fonctionnelle conséquence des microthrombus spléniques. Les principales infections sont les pneumopathies à pneumocoque ou à Haemophilus influenzae, les ostéomyélites souvent à localisations multiples, à Salmonelles et à Staphylocoques, les septicémies et les méningites.
Diagnostic biologiques
L’hémogramme montre une anémie normochrome normocytaire habituellement entre 6 et 9gr/100. Le frottis sanguin peut déjà montrer des drépanocytes. Cependant le test de falciformation est plus fiable pour révéler les drépanocytes. L’éléctrophorèse de l’hémoglobine confirmera le diagnostic de drépanocytose en mettant en évidence l’hémoglobine S à un taux variable mais de plus de 50% dans les formes homozygotes. L’hyperhémolyse est également confirmée par la présence d’un taux élevé de bilirubine à prédominance non conjuguée, une augmentation du taux de la LDH et une diminution du taux de l’haptoglobine.
Traitement
Le traitement comporte un traitement de fond, visant à prévenir les complications et un traitement curatif
Le traitement préventif comprend :
L’éviction des facteurs déclenchants potentiels : éviter l’hypoxie, le froid. En période de chaleur, on recommande aux patients des boissons abondantes. En cas de fièvre, le patients doit être rapidement traité par des antipyrétiques et des boissons abondantes.
Le traitement vasodilatateur (Hydergine*) est d’efficacité controversée.
La vaccination contre l’Hépatite B, le pneumocoques, l’Hémophilus
La pénicillinothérapie jusqu'à l’âge de 10 ans quotidienne pour éviter les infections à pneumocoques
La foldine afin de prévenir la carence en folates secondaire à l’hémolyse chronique.
Le traitement des crises
Les crises douloureuses sont traitées par les analgésiques, du repos et un apport hydrique PO ou parentéral. La transfusion de culots globulaires doit être réservée aux anémies mal tolérée dues soit à une exacerbation de l’hémolyse ou à une érythroblastopénie compliquant une infection à parvovirus B19. En cas d’altération organique majeure un programme d’érythraphérèse peut être mis en place dans l’objectif de réduire le taux d’hémoglobine S.
Actuellement, chez les patients présentant des douleurs très fréquentes ou des complications sévères de la maladie on propose un traitement par hydroxyurée. Cette molécule a l’intéressante propriété de stimuler la production de l’hémoglobine F ayant pour conséquence la diminution de la falciformation et donc des crises vaso-occlusives.
Enfin, au même titre que les thalassémies, les malades présentants une drépanocytose avec des complications sévères peuvent bénéficier d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.
D/ Le déficit en G6PD
Le globule rouge est constamment soumis à des agents oxydants menaçant l’intégrité de la membrane et de l’hémoglobine. Son métabolisme comporte une voie de synthèse d’agents réducteurs appelée voie des pentoses. Les agents oxydants tels que O2- ou H2O2 sont produits par des facteurs exogènes (médicaments, infection) et aussi par interactions de l’hémoglobine avec l’O2. La lutte contre ces agents se fait en permanence grâce au gluthation (GSH). La G6PD permet la synthèse de la NADPH nécessaire à la synthèse du GSH.
Données épidémiologiques
Le déficit en G6PD est la plus fréquente érythro-enzymopathie. Elle touche avec prédilection les sujets de race noire; les populations du pourtour méditerranéen et d’extrême orient. Les juifs séfarades sont particulièrement touchés par cette affection qui atteint 60 à 70 % de la population masculine. Les patients souffrant de déficit en G6PD semblent plus protégé contre l’infection par le plasmodium falciparum agent de la malaria.
L’enzyme
Le gêne de la G6PD est localisé au niveau du chromosome X. La maladie se manifeste chez les sujets de sexe masculin. Les anomalies enzymatiques peuvent être quantitatives ou qualitatives. Plusieurs variants sont identifiés selon leur activité enzymatique, leur stabilité, leur mobilité éléctrophorétique et leur demi-vie. Les plus fréquemment en cause sont la variantes G6PD A- présente dans 10 à 15% des sujets de race noire. Cette enzyme est instable et son activité catalytique est réduite dans les GR les plus âgés. La variante dite méditerranéenne est plus fréquemment observée dans le pourtour méditerranéen et dans la population de race blanche. Sa synthèse et son activité catalytique est réduite de façon notable même dans la population de GR jeune. L’hémolyse dans ce type de déficit est plus sévère.
Physiopathologie
Le degré d’hémolyse est corrélé au type de déficit enzymatique. Le déficit enzymatique méditerranéen est le plus grave puisque la demi-vie de l’enzyme ne dépasse pas quelques heures. Tous les globules rouges sont ainsi déficients. La synthèse du NADPH est ainsi très réduite. Les GR déficients en G6PD et exposés aux agents oxydants (Infection, Médicaments, Fève) deviennent déficitaires en GSH. L’oxydation des groupes sulfhydril de l’hémoglobine conduit à la formation de sulfhémoglobine insoluble qui va se fixer à la membrane du GR et former les corps de Heinz. Par ailleurs, l’oxydation des groupes sulfhydrils membranaires conduit à la formation de polypeptides membranaires entraînant une rigidité érythrocytaire.
L’hémolyse est principalement extra-vasculaire .
Les hémolyses médicamenteuses sont surestimés; il s’agit le plus souvent de causes
infectieuses. Il n’y a pas de test in vitro fiable permettant la prévision des effets hémolytiques.
Dans les pays méditerranéens, le favisme est une étiologie fréquemment rapportée. Les
substances incriminées sont la Divicine. La consommation de fève par la mère peut induire
une hémolyse chez le nouveau né ou le nourrisson allaité au sein.
Tableaux cliniques
Quatre tableaux cliniques sont individualisés
L’anémie hémolytique aiguë
Un accident hémolytique sévère survient après exposition à un oxydant. En dehors de la crise, le patient est tout a fait asymptomatique.
Typiquement après 1 à 3 jour de prise de médicament oxydant, survient brutalement un tableau d’hémolyse aiguë associant une pâleur, des urines foncées de couleur Coca-Cola, un ictère et des douleurs abdominales ou lombaires. L’hémoglobine chute brutalement de 3 à 4 gr/100ml. Chez les sujets G6PD A- l’hémolyse régresse en quelques jours. La compensation médullaire rapide par des réticulocytes riches en G6PD permet une récupération hématologique. Par contre, chez les sujets avec un déficit de type méditerranéen, l ’épisode est habituellement plus sévère et persiste plus longtemps car il intéresse même les GR jeunes.
Principaux produits pouvant entraîner une
hémolyse aiguë en cas de déficit en G6PD
Analgésiques
Acide acétylsalicylique
Phénacétine
Pyramidon
Glaphénine
Sulfamides
Sulfapyridine
Sulfacétamide
Sulfanilamide
Sulfisoxazole
Thiazosulfone
Sulfoxone
Bactériostatiques
Furazolodine
Nitrofurantoïne
Nitrofurazone
Chloramphénicol
Acide para-aminosalicylique
Antimalariques
Primaquine
Pentaquine
Pamaquine
Mépacrine
Quinine
Divers
Nitrates
Bleu de méthylène
Bisulfate de ménadione sodique
Acide ascorbique
Néosolvarsan
Vitamine K
Aliments
Fèves
L’infection est probablement l'agent induisant l’hémolyse le plus fréquent. Plusieurs médicaments utilisé pour le traitement des ces infections ont été à tort incriminés dans le déclenchement d’épisodes hémolytiques. Le mécanisme de l’hémolyse n’est pas élucidé. Les agents infectieux les plus fréquemment associés aux crises hémolytiques sont E.Coli, Streptocoque b hémolytique et Rekettsie. Une hépatite virale peut également induire une hémolyse est sévère.
La survenue d’une acido-cétose diabétique peut être à l’origine d’une hémolyse mais là encore; l’infection est souvent en arrière plan; induisant l’acido-cétose et l ’hémolyse.
Hémolyse chronique
Rarement, la maladie se manifeste par une hémolyse chronique. Ictère et anémie sont notés dès la période néonatale nécessitant parfois une exsanguino-transfusion. Plus tard, un tableau d’hémolyse chronique souvent modérée peut être émaillé par des accès d’hémolyse post-médicamenteux ou post-infectieux.
Ictère néonatal
Survient surtout dans la forme méditerranéenne. L’hyperbilirubinémie peut être à l’origine d’un ictère nucléaire. Sa physiopathologie n’est pas bien élucidé. Il y a certes l’hyperhémolyse et l’immaturité hépatique. Certains auteurs évoquent également la possibilité d’une déficit enzymatique hépatique associé similaire à celui de la maladie de Gilbert. On évoque également des médications prises par la mère durant la période précédant l’accouchement.
Diagnostic
L’hémogramme montre une anémie normochrome normocytaire régénérative. L’étude du frottis met en évidence les corps de Heinz correspondant à l’hémoglobine dénaturée.On met en évidence par ailleurs les stigmates d’hémolyse : FS augmenté, CTF normale ou diminuée, BNC augmenté, Haptoglobine diminuée. On met en évidence également une hémoglobinurie (hémosiderurie).
Le dosage de l’activité enzymatique permet de confirmer le diagnostic. Ce dosage doit être fait loin de l’épisode hémolytique (2 à 3 mois) du fait que la régénération médullaire libère dans le sang des réticulocytes riches en G6PD. De même, la transfusion parfois préconisée en urgence peut fausser le dosage. Le principe du dosage consiste à mettre en incubation un hémolysat du sang à tester avec un substrat contenant le G6P et le NADP. La NADPH formée est détectée soit directement par fluorescence en spectrophotométrie soit indirectement par son effet réducteur de la méthémoglobine. Le résultat est exprimé en pourcentage par rapport à la normale.
Traitement
Le traitement est essentiellement prophylactique et consiste à éviter la prise des médicaments potentiellement hémolysant. Une liste de médicaments est remise au malade qu’il devra présenter au médecin ou pharmacien chaque fois qu’une prescription médicamenteuse est nécessaire. La consommation de fève sous toutes ses formes est également interdite. Le traitement de la crise peut nécessiter une transfusion. Rarement, la gravité de l’hémolyse peut induire un état de choc avec insuffisance rénale nécessitant une prise ne charge dans un secteur de réanimation.